Lorsqu'on s'intéresse aux nouvelles technologies de l'information et de la communication, à la cybersécurité ou aux phénomènes sociaux associés, pas une année ne passe sans l'apparition d'un nouveau "buzz world" un concept qu'il faut absolument connaître pour rester sur la "vague".
Il y a quelques années déjà, le concept de "filter bubble" ou bulle de filtres (tiens voilà une nouvelle entrée pour le Dictionnaire de la cybersécurité et des réseaux), fait son apparition pour mettre en lumière le poids croissant des algorithmes sur ce qui nous est accessible sur Internet. Le concept revient brutalement à la faveur des accusations de manipulation d'opinion par Facebook lors de la campagne présidentielle américaine qui a vu Donald Trump l'emporter à la surprise des observateurs et journalistes (Voir Accusé d'avoir influencé les élections américaines, Facebook se défend).
Comment en est-on arrivé là ?
Comme nous l'évoquions dans cyberstartégie (2012), l'algorithme page rank de google est probablement un des secrets les mieux gardé au monde. Même si cet algorithme n'est aujourd'hui qu'une brique dans le système de référencement de l'Internet par Google, il n'en demeure pas moins central.
Comment en est-on arrivé là ?
Comme nous l'évoquions dans cyberstartégie (2012), l'algorithme page rank de google est probablement un des secrets les mieux gardé au monde. Même si cet algorithme n'est aujourd'hui qu'une brique dans le système de référencement de l'Internet par Google, il n'en demeure pas moins central.
La position quasi-monopolistique de ce moteur de recherche pose la question de l'impartialité des résultats proposés. Car une recherche google est encore trop souvent assimilée à un accès "neutre" au savoir. Il en est évidement rien, il suffit pour s'en convaincre d'effectuer la même recherche avec plusieurs moteurs distincts pour comprendre à quel point une interrogation est devenue "un service" et non un accès au savoir.
Et la bulle de filtres dans tout ça ?
En 2011, alors que les réseaux sociaux se sont rapidement imposés dans les usages numériques, une voix dissonante vient briser l'illusion qui tendrait à considérer que ces réseaux permettent un rapprochement entre les individus. L'activiste Eli Pariser publie "The Filter Bublle, What the Internet is Hiding from You" et dénonce l'enfermement progressif que nos actions sur la toile entraînent. Ainsi, la collecte systématique de nos usages (like, partage, abonnements, "following", etc...) par les "grands" de l'Internet, et le traitement de ces données (et leur revente) permettent de sélectionner et de proposer des contenus qui sont successibles de nous intéresser. Sans y prendre garde, les contenus proposés par Google, Yahoo, facebook et autres, ne sont que le résultat de ce processus de sélection, ils ne reflètent donc qu'une partie de l'internet, le vôtre, celui dont "on" estime qu'il vous suffira.
Progressivement chacun d'entre nous contribue donc à la création d'une "bulle" qui l'enferme dans ses choix et ses penchants. Au-delà de cet "isolement", le mécanisme engendre un effet "boule de neige" qui exclue de plus en plus les sujets non pertinents et favorise des choix qui ne font que renforcer des opinions pré-existantes. Dès 2011, Yahoo Labs avait justement annoncé, avoir mis en place un système anti-bulle de filtres, «pour éviter la sur-personnalisation» en insérant parmi les actualités de la page d’accueil Yahoo des nouvelles «qui peuvent ne pas correspondre exactement à l’historique ou aux préférences de l’utilisateur»[1].
Les algorithmes sont donc en partie responsable d'une polarisation croissante des opinions qui s'exprime notamment sur les réseaux sociaux. Pour autant, le phénomène n'est pas né avec les réseaux sociaux ou Internet, car les interactions sociales sont plus fréquentes entre individus appartenant aux mêmes cercles. Les réseaux sociaux n'ont fait qu’accélérer cette tendance. La théorie de la spirale du silence date en effet de 1974, et Elisabeth Noelle-Neumann souligne l'importance du rapport entre opinion générale et choix individuels[2]:
« [L'individu] peut se trouver d'accord avec le point de vue dominant. Cela renforce sa confiance en soi, et lui permet de s'exprimer sans réticence et sans risquer d'être isolé face à ceux qui soutiennent des points de vue différents. Il peut, au contraire, s'apercevoir que ses convictions perdent du terrain ; plus il en sera ainsi, moins il sera sûr de lui, moins il sera enclin à exprimer ses opinions. »
En sociologie, on pense évidement au concept d'habitus de Pierre Bourdieu:
"L’habitus est un ensemble de dispositions durables, acquises, qui consiste en catégories d’appréciation et de jugement et engendre des pratiques sociales ajustées aux positions sociales."
Information, opinion et biais analytique
Ce mécanisme d'isolement progressif peut entraîner des conséquences bien réelles, par les choix "objectifs" individuels mais également dans le mécanisme de constitution d'une opinion générale. Ainsi, la place croissante des réseaux sociaux comme source d'information pour les journalistes, peut entraîner des choix de traitement de l'information qui, sans remettre en cause l'indépendance des médias, se retrouvent impactés par les différentes "bulles de filtres" de ces derniers. En matière de renseignement également ce phénomène peut engendrer un biais analytique plus marqué et conduire à isoler un fait mineurs pour le surexposer ou inversement à sous considérer un évènement.
Certains utilisent aujourd'hui parfaitement ces mécanismes en favorisant l'émergence de polémiques dont on sait qu'elles seront "reprise par la presse". L'analyse de Nicolas Vanderbeist sur la naissance de la polémique sur le burkini en France au cours de l'été 2016 illustre parfaitement ce phénomène. Les conclusions sont sans appel:
L'année 2016 a été marquée par deux évènements qui ont pris de court les analystes et commentateurs. Le vote "oui" au Brexit au mois de juin 2016 et tout récemment l'élection de Donald Trump à la présidence américaine alors même que les opinions attendaient (ou étaient préparées) la victoire de sa rivale Hilary Clinton.
"Internet" est évidement accusé de nous avoir "influencé" et d'avoir façonné l'opinion en faveur d'une victoire Clinton [4].
Des responsables politiques en France comme aux États-Unis, pointent notamment Facebook du doigt en accusant le réseau social d'avoir laissé se diffuser de fausses informations et des calomnies.
Resurgit alors le débat sur l'importance des réseaux sociaux dans la constitution d'une opinion. "croit-on" ce que l'on voit ou "voit-on" ce que l'on croit ?...
En réalité, Internet n'y est pas pour grand chose, ce sont nos comportements et nos relations (notre habitus) qui favorisent notre exposition à des contenus que nous sommes plus enclin à accepter.
Non, le monde entier ne pense pas comme votre timeline...
Oui, nous sommes responsable des contenus que nous choisissons.
Certains utilisent aujourd'hui parfaitement ces mécanismes en favorisant l'émergence de polémiques dont on sait qu'elles seront "reprise par la presse". L'analyse de Nicolas Vanderbeist sur la naissance de la polémique sur le burkini en France au cours de l'été 2016 illustre parfaitement ce phénomène. Les conclusions sont sans appel:
- (1)La polémique naît sur les réseaux sociaux, et est nourrie par deux groupes antagonistes (qui ne dialoguent pas mais qui diffusent au sein de leur propres communauté d'opinion) de même ampleur, le tout regardé par des observateurs.
- (2)Le sujet, "enfle" et est les politiques s'en emparent (à la faveur d'un lien de proximité dans l'une ou l'autre des communautés)
- (3) Dès la parole politique "libérée" les médias ne peuvent que "répercuter" la polémique... et contribuent à réalimenter le mécanisme.[3]
L'année 2016 a été marquée par deux évènements qui ont pris de court les analystes et commentateurs. Le vote "oui" au Brexit au mois de juin 2016 et tout récemment l'élection de Donald Trump à la présidence américaine alors même que les opinions attendaient (ou étaient préparées) la victoire de sa rivale Hilary Clinton.
"Internet" est évidement accusé de nous avoir "influencé" et d'avoir façonné l'opinion en faveur d'une victoire Clinton [4].
Des responsables politiques en France comme aux États-Unis, pointent notamment Facebook du doigt en accusant le réseau social d'avoir laissé se diffuser de fausses informations et des calomnies.
Resurgit alors le débat sur l'importance des réseaux sociaux dans la constitution d'une opinion. "croit-on" ce que l'on voit ou "voit-on" ce que l'on croit ?...
En réalité, Internet n'y est pas pour grand chose, ce sont nos comportements et nos relations (notre habitus) qui favorisent notre exposition à des contenus que nous sommes plus enclin à accepter.
« Le plus grand filtre du système, ce n’est pas que le contenu ne soit pas là, ou que vous n’ayez pas d’amis qui soutiennent l’autre candidat, (…) mais que vous le rejetiez quand vous le voyez. Nous ne cliquons tout simplement pas dessus, et vous savez que je ne sais pas quoi faire à ce sujet. Nous devons travailler là-dessus. » [Marc Zuckerberg]Ainsi, le réveil est douloureux et symbolise "l'éclatement de la bulle" face à la réalité de la diversité.
Non, le monde entier ne pense pas comme votre timeline...
Oui, nous sommes responsable des contenus que nous choisissons.
[1]: Comment éclater la bulle de filtres. https://www.slate.fr/life/80677/portrait-donnees-bulle-filtres
[2]: Spirale du silence https://fr.wikipedia.org/wiki/Spirale_du_silence
[3]: http://www.reputatiolab.com/2016/08/sest-propage-polemique-burkini-reseaux-sociaux/
[4]: Comment Internet nous a a persuadé qu' Hilary Clinton deviendrait présidente en 2016. https://www.slate.fr/story/128306/bulle-filtres-hillary-clinton
[2]: Spirale du silence https://fr.wikipedia.org/wiki/Spirale_du_silence
[3]: http://www.reputatiolab.com/2016/08/sest-propage-polemique-burkini-reseaux-sociaux/
[4]: Comment Internet nous a a persuadé qu' Hilary Clinton deviendrait présidente en 2016. https://www.slate.fr/story/128306/bulle-filtres-hillary-clinton
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